Jean Rottner, président de la région Grand Est, complice du génocide des Ouïghours ?
En finançant l’entreprise Huawei et les Instituts Confucius, Jean Rottner et la région Grand Est peuvent-ils être considérés comme complices du génocide et des crimes contre l’humanité commis en Chine ?
De l’argent public pour Huawei qui massacre les Ouïghours ?
Le Président de la région Grand Est, Jean Rottner, a décidé le 12 février 2021 de soutenir et financer l’installation de l’entreprise chinoise Huawei à Brumath (Alsace) avec de l’argent public (800 000€). Alors même que Jean Rottner est pleinement conscient que l’entreprise Huawei est complice du génocide et des crimes contre l’humanité (esclavage, surveillance de masse, déportation…) visant les Ouïghours. Le député européen Raphaël Glucksmann lui a ainsi adressé une lettre (également partagée sur Instagram) le 24 février pour lui expliquer les enjeux de sa décision, et lui demander de revenir sur celle-ci en l’annulant. Il a également adressé une question aux citoyen·ne·s du Grand Est, puisqu’il s’agit d’argent public : voulez-vous financer une entreprise qui massacre des Ouïghours ?
En effet, l’entreprise Huawei a, en plus de bénéficier du travail forcé dans les camps de concentration, développé une technologie de reconnaissance faciale ethnique qui envoie des alertes « Ouïghours » pour aider le régime à traquer les Ouïghours et les envoyer dans ces camps où de nombreuses violences leur sont infligées : tortures, viols et agressions sexuelles.https://cdn.embedly.com/widgets/media.html?type=text%2Fhtml&key=a19fcc184b9711e1b4764040d3dc5c07&schema=twitter&url=https%3A//twitter.com/charlesrollet1/status/1336341099917406214&image=https%3A//i.embed.ly/1/image%3Furl%3Dhttps%253A%252F%252Fabs.twimg.com%252Ferrors%252Flogo46x38.png%26key%3Da19fcc184b9711e1b4764040d3dc5c07
Ce sont pour toutes ces raisons que la chanteuse Zara Larsson, le département du Val-d’Oise, et le footballeur Antoine Griezmann ont rompu leur contrat avec Huawei.
Mais ce ne sont pas les seules accusations dont fait l’objet Huawei. Un article scientifique publié par Christopher Balding en 2019 compare, à la suite d’une fuite de données, le parcours professionnel des employés d’Huawei et se rend compte qu’ils ont, pour beaucoup, travaillé pour les services de renseignements chinois. Huawei est aussi accusée d’espionnage au service du régime chinois : outre les États-Unis, Huawei a ainsi été bannie des réseaux de télécommunications du Royaume-Uni pour des raisons de « sécurité nationale » et également de Suède après l’évaluation des autorités militaires et du renseignement.
Plus récemment, un rapport resté secret depuis 2010 a été rendu public, et affirme que l’entreprise Huawei aurait eu accès aux données de l’opérateur KPN aux Pays-Bas, leur permettant ainsi d’espionner les conversations des membres du gouvernement. À noter qu’en Chine, une loi de 2017 sur le renseignement national oblige toutes les entreprises chinoises à coopérer avec les agences de renseignement chinoises.
Après une mystérieuse cyberattaque qui a paralysé les universités ainsi que le Parlement belge, alors que ce dernier devait justement débattre d’une résolution pour reconnaître le génocide, la Belgique a également annoncé que les entreprises chinoises représentaient une menace pour la sécurité intérieure dans la mesure où elles ont l’obligation d’ouvrir des postes à des agents des renseignements chinois.
En ce sens, le député Raphaël Glucksmann avait également rappelé au président de la région Grand Est, Jean Rottner, que « l’usine que Huawei veut construire à Brumath se situe au milieu des unités de l’armée de Terre dédiées au renseignement. Selon des spécialistes, le site de Brumath est en France l’un des secteurs qui concentre le plus d’unités militaires — qui plus est sensibles pour certaines — au kilomètre-carré. »
Les universités du Grand Est sont-elles aussi complices du génocide ?
L’Université de Lorraine et l’Université de Strasbourg ont également été pointées du doigt pour leur lien avec la Chine.
Dans un article publié le 25 février 2021 dans Le Point, Jérémy André s’intéresse à l’influence de la Chine sur les universités. On y apprend que Christian Mestre, ancien doyen honoraire de la faculté de droit de Strasbourg et déontologue de l’Eurométropole de Strasbourg (qui a démissionné à la suite de cet article) faisait régulièrement des voyages en Chine, et avait promu la politique concentrationnaire et génocidaire du régime chinois.
De façon plus générale, cet article alerte sur la présence des Instituts Confucius au sein des universités françaises. Officiellement, ils ont pour mission de partager la langue et la culture chinoise. Officieusement, ce sont surtout des « centres d’espionnage et de propagande ». Comment a-t-on pu accepter qu’un régime totalitaire puisse infiltrer les universités ? Rappelons que les Instituts Confucius, tout comme l’entreprise Huawei, sont soumis aux lois chinoises. Ils doivent donc obéir à tous les ordres du Parti Communiste et collaborer avec les services de renseignements chinois.
« Tous ceux qui suivent des cours d’un Institut Confucius sont susceptibles de devenir des agents d’influence ou d’être utilisés, parfois même malgré eux, par le service de renseignement chinois » Michel Juneau-Katsuya, ex-agent du renseignement du SCRS.
Ce scandale n’est pas nouveau, puisqu’en juin 2014, l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP) avait déjà appelé les universités à mettre fin à leur partenariat avec les Instituts Confucius car ces derniers « fonctionnent comme un bras armé de l’État chinois et sont autorisés à ignorer la liberté académique ». Depuis 2014, ces instituts sont considérés par la communauté scientifique comme étant des « Chevaux de Troie » (expression reprise dans Le Monde en 2015 et dans Le Point en 2021). Un article scientifique publié par Marshall Sahlins en 2015 concluait aussi que les Instituts Confucius dissimulent, derrière une apparence inoffensive, une mission plus douteuse de propagande et d’actions visant à promouvoir l’influence du gouvernement chinois.
« Les Instituts Confucius sont une menace pour les principes de liberté et d’intégrité académiques qui sont à la base de notre système d’enseignement supérieur […] Si Les universités veulent maintenir les principes académiques sur lesquels elles sont fondées, elles doivent mettre fin à leurs relations avec les Instituts Confucius et reprendre leur obligation de respecter l’idée de l’université. » (Marshall Sahlins, Université de Chicago, 2015)
Les États-Unis ont ainsi déjà fermé 40 Instituts Confucius car ils représentent un danger. En 2020, les États-Unis ont également restreint l’accès des étudiants chinois, et classé les Instituts Confucius comme étant une « mission diplomatique » (de la même manière qu’une ambassade ou un consulat), ce qui leur permet de les placer sous haute surveillance. Des incidents se produisent également dans tous les pays, l’article publié dans Le Point en cite quelques-uns :
« Les campus australiens (qui accueillent 260 000 étudiants chinois !) se déchirent entre pro et anti-Chine. À Brisbane, en juillet 2019, un sit-in d’une poignée d’étudiants soutenant la démocratie à Hongkong a été violemment pris à partie par des centaines d’étudiants chinois et des gros bras envoyés par le consul de Chine. Cet incident, et une cascade de révélations, a poussé Canberra à lancer une enquête parlementaire sur les ingérences étrangères dans ses universités. En Europe, la Belgique a expulsé en 2019 le directeur de l’Institut Confucius de la VUB (l’Université libre de Bruxelles flamande), accusé d’espionnage. » (Jérémy André, Le Point, 2021)
Au total, les pays européens ont déjà fermé 10 Instituts Confucius. En Suède, ils sont désormais totalement interdits. Les Instituts Confucius ont ainsi causé des problèmes aux États-Unis, au Canada, en France, en Belgique, en Suède, en Suisse, et en Australie. En France, il reste toujours 17 Instituts Confucius établis sur le territoire, dont 10 directement infiltrés dans des établissements de l’enseignement supérieur.
Le sénateur André Gattolin (LREM) a ainsi en 2020 appelé les universités françaises à fermer « immédiatement » les Instituts Confucius :
« Il n’est plus possible que les présidents d’université acceptent d’héberger des Instituts Confucius au sein de leur université. Il faut qu’ils prennent conscience de ce qui est en jeu, qu’il ne s’agit pas simplement d’un apprentissage gratuit de la langue, ce n’est pas simplement une approche biculturelle de partage de savoirs et de connaissances, on est dans une stratégie d’influence de plus en plus agressive et je souhaite que l’ensemble des universités françaises se retirent de ce type de coopération. »
Le sénateur Olivier Cadic (UC) est également intervenu pour dénoncer la présence de ces instituts :
« J’ai le même regard là-dessus que le fonctionnement de mosquées d’islamisme radical, c’est la volonté d’imposer un totalitarisme, et je pense que de la même manière on ne doit pas accepter que des centres puissent contester en France des atteintes aux droits de l’Homme et se servent de cela pour promouvoir un totalitarisme ou donner une image du totalitarisme comme étant acceptable ou même enviable. Ce n’est effectivement pas possible, de la même façon qu’en Chine on ne laissera jamais parler librement aux chinois de démocratie, de droits de l’Homme, de valeurs universelles […]. Si on ne peut pas faire cela en Chine, je ne vois pas comment on pourrait autoriser les Instituts Confucius à se développer sur notre territoire. »
Par ailleurs, si la France ne s’est pas encore positionnée à l’échelle nationale, des élus locaux ont déjà adopté une charte de solidarité avec le peuple Ouïghour.
Celle-ci mentionne notamment dans l’article 4 l’arrêt du financement public des Instituts Confucius. Ainsi, en France, cette charte a déjà adoptée par plusieurs villes : Amilly, Bourg en Bresse, Clermont-Ferrand, Cournon-d’Auvergne, Courteuil, Guilherand-Granges, Ivry-sur-Seine, Le Creusot, Lorgues, Marseille, Maxéville, Privas, Reims, Trappes et Valence. Cette charte a également été adoptée par trois villes en Belgique : Charleroi, Liège, et Tournai, en sachant que l’Université de Liège possède également un Institut Confucius représentant une sérieuse menace pour la Belgique.
Pour en revenir au Grand Est, trois Instituts Confucius y sont présents, dans les villes de Metz, Reims et Strasbourg. Un autre point important mis en évidence dans l’article de Jérémy André est une citation de Marie Bizais-Lillig, spécialiste de littérature chinoise (maîtresse de conférence à l’Université de Strasbourg) : « À partir de l’automne 2012, l’université a subi beaucoup de pressions, pas seulement de la Chine, mais aussi de la région, pour l’intégrer en son sein ». Elle a également précisé que « les autorités chinoises font miroiter de nouveaux investissements en Alsace si l’institut est rattaché à l’Université de Strasbourg ». Coïncidence, Christian Mestre, lorsqu’il était directeur de l’UFR de droit dans cette université, voulait que l’Institut Confucius soit rattaché à son UFR. Finalement (et heureusement), cela ne s’est pas produit. L’Institut Confucius s’est quand même établi à l’extérieur.
Pour ce qui est de l’Institut situé à Reims, celui-ci est rattaché à la Néoma Business School. Des étudiant·e·s, parents d’élèves, et associations ont d’ailleurs manifesté le 15 octobre 2020 devant la NEOMA Business School située à Rouen pour réclamer leur fermeture.
À l’Université de Lorraine, la situation est encore pire puisque l’Institut Confucius est directement rattaché à l’université sur le campus de l’Île du Saulcy, à Metz. Il est implanté à la fois dans la Bibliothèque universitaire du Saulcy (BU Saulcy), ainsi qu’au département Langues étrangères appliquées (LEA). Celui-ci est également soutenu par la ville de Metz et la région Grand Est. Cela soulève beaucoup de questions : pourquoi la région Grand Est, tient-elle toujours à financer et collaborer avec ces instituts ? L’hypothèse la plus probable est l’argent. On peut également s’interroger sur les liens qu’entretiennent la ville de Metz et l’Université de Lorraine avec la Chine. Pourquoi le maire de Metz s’est-il rendu en Chine pour négocier avec le Parti Communiste Chinois des contrats pour l’Université de Lorraine ? L’Université de Lorraine perçoit-elle aussi de l’argent de la part de la Chine ? Selon les études, elle pourrait en effet recevoir 100 000$ ou plus de la part du Parti Communiste Chinois.https://cdn.embedly.com/widgets/media.html?type=text%2Fhtml&key=a19fcc184b9711e1b4764040d3dc5c07&schema=twitter&url=https%3A//twitter.com/univ_lorraine/status/1182688482877202434&image=https%3A//i.embed.ly/1/image%3Furl%3Dhttps%253A%252F%252Fabs.twimg.com%252Ferrors%252Flogo46x38.png%26key%3Da19fcc184b9711e1b4764040d3dc5c07
À ce jour, la région Grand Est, la ville de Metz, et l’Université de Lorraine ne se sont toujours pas exprimées sur le sujet. Nous avions sollicité Jean Rottner (président de la région Grand Est), François Grosdidier (maire de Metz, président de Metz Métropole et soutien proche de Jean Rottner), Pierre Mutzenhardt (président de l’Université de Lorraine depuis 2012, date à laquelle l’Institut Confucius s’y est rattaché aussi), ainsi qu’Hélène Boulanger (vice-présidente du conseil d’administration de l’université). De même, les responsables du département LEA, Vasilica Le Floch, Ingrid Lacheny, Adam Wilson, Bénédicte Simard et Virginie De La Cruz ont été sollicités et n’ont pas répondu.
Hannah Arendt disait que dans un régime totalitaire qui commet un génocide, le génocide ne peut pas avoir lieu sans l’adhésion de masse. C’est un comble pour l’Université de Lorraine où un amphithéâtre (dans l’UFR SHS Metz) porte son nom. On s‘est tous un jour demandé comment nous aurions réagi et ce que nous aurions fait sous l’Occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ; aurions-nous eu le courage de résister, ou aurions-nous collaboré ? Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons jamais répondre à cette question, car c’est le passé. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons plus ignorer que ce génocide et ces atroces crimes contre l’humanité se reproduisent. Pendant que la Chine déporte des millions de personnes dans des camps de concentration, nous devons prendre une décision.
Qu’allons-nous faire contre ce génocide et ces crimes contre l’humanité en 2021 ?
PS : La qualification de « génocide » est basée sur l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Celui-ci définit 5 critères, dont un seul suffit, pour qualifier un crime contre l’humanité de génocide. La Chine enfreint de façon systématique les 5 critères. Si vous souhaitez plus d’informations pour comprendre ce qui se passe en Chine, le génocide des Ouïghours et les autres persécutions perpétrées par le régime chinois, restez à l’écoute car un autre article sera prochainement publié et contiendra toutes les informations disponibles.
Sources
(Par ordre chronologique)
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KESZEI, Nicolas. « Alibaba a-t-il fait entrer des agents du renseignement chinois à l’aéroport de Liège ? ». L’Écho. 6 mai 2021. Disponible sur : https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/general/alibaba-a-t-il-fait-entrer-des-agents-du-renseignement-chinois-a-l-aeroport-de-liege/10304069.html
Remerciements
Un grand merci à l’Institut Ouïghour d’Europe (IODE), au député Raphaël Glucksmann et à tous les élus qui comme lui s’engageront pour la cause ouïghoure, ainsi qu’à tous les groupes locaux et citoyen·ne·s, qui se mobilisent partout en France pour dénoncer le plus grand internement de masse du 21ème siècle
Source: https://medium.com/@anthony.anstett/jean-rottner-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9gion-grand-est-complice-du-g%C3%A9nocide-des-ou%C3%AFghours-bcbd0434ab36