Ouïghours: des associations organisent une manifestation à Paris pour une reconnaissance du «génocide»

Droits humains | juillet 14, 2021

Plusieurs associations de défense des victimes du régime chinois se réunissent jeudi à 10h30 à proximité du Quai d’Orsay, pour que le gouvernement français reconnaisse officiellement la répression des Ouïghours.

Association Initiative citoyenne et ETAC, rejoints par d’autres organisations, organisent jeudi de 10h30 à 16h un rassemblement pour que le gouvernement français reconnaisse les «crimes contre l’humanité» et les «crimes à caractère génocidaire» perpétrés par le Parti communiste chinois au Xinjiang. Une lettre ouverte sera remise au ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Cette action était initialement prévue le 26 juin pour la journée internationale contre la torture. Elle se déroule finalement le 1er juillet, date anniversaire des 100 ans du Parti communiste chinois.

L’initiatrice du rassemblement, Brigitte Guiraud, exhorte les dirigeants français à «mettre fin à l’impunité des tortionnaires chinois». En alertant sur la «dangerosité extrême» de la Chine, elle dénonce un «excès de complaisance des Occidentaux».

De nombreuses associations défendant les victimes de persécutions du régime communiste viendront aussi manifester contre le tour de vis du Parti en Chine, qui tente d’efface toute forme de différences ethniques ou religieuses. Association des Ouïghours de France, Étudiants pour un Tibet libre, Association solidaire mongole, Association Falun Dafa seront présentes.

Plusieurs responsables français, dont les députés Aurélien Taché (Écologie Démocratie Solidarité) et Frédérique Dumas (ex-LREM), participeront au rassemblement. Le parlementaire européen Raphaël Glucksmann (Place Publique), connu pour son engagement dans la cause ouïghoure, a également apporté son soutien mais ne sera pas présent.

«Stopper cette folie génocidaire»

Alors que plusieurs pays occidentaux ont déjà reconnu le «génocide» ouïghour, le pays des droits de l’Homme semble avoir un train de retard. Bien que le ministre Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ait proposé une «mission internationale émanant d’observateurs indépendants» en juillet 2020 et qu’Emmanuel Macron a jugé «inacceptable» ce qui se passait au Xinjiang, le terme de «génocide» n’a jamais été utilisé par les Français, dans le but de préserver la relation commerciale avec la Chine.

La présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, Dilnur Reyhan, dans un entretien au Figaro, rappelle que tout l’enjeu se trouve pourtant là. La Convention des Nations unies sur le génocide de 1948, dont la France est signataire, énonce que lorsqu’un pays reconnaît un génocide, il est obligé de prendre des sanctions contre les autorités responsables. La prise de position du gouvernement pousserait donc la France à «ne pas rester dans la parole et à prendre des mesures pour stopper cette folie génocidaire» affirme Mme Reyhan.

Plusieurs personnalités et organisations, telles que Raphaël Glucksmann et ETAC, exhortent les dirigeants français et européens à prendre des mesures concrètes. Ils demandent des sanctions commerciales et à mettre fin aux partenariats économiques avec la Chine. Ceux-ci nous rendent «complices d’un crime contre l’humanité», accuse l’eurodéputé.

Dilnur Reyhan ajoute que ce serait un «message fort pour les Ouïghours». Elle raconte : «Les autorités chinoises répètent aux Ouïgours que la Chine est le pays le plus puissant au monde, que personne ne (les) sauvera». Une nouvelle condamnation d’une puissance étrangère contribuerait à leur «donner espoir» et à «les faire tenir debout» déclare-t-elle.

Aucune communication directe entre le Xinjiang et l’étranger n’est possible sans être scrutée par le régime. «La région ouïghoure est la zone la plus surveillée au monde, avec toute la technologie de pointe chinoise» indique Mme Reyhan, qui la compare à une «société orwélienne». Mais les Ouïghours restés en Chine parviennent à suivre les événements importants par les médias pro-Pékin.

Un garde surveillant une prison ouïghoure dans le Xinjiang. THOMAS PETER / REUTERS

La reconnaissance du génocide contribuerait également à remotiver les troupes, alors que la diaspora se sent peu soutenue par les pays d’accueil. Installés à l’étranger, sans nouvelle de leurs proches depuis souvent plusieurs années, les rescapés sont victimes d’intimidations du régime chinois même sur le sol français et de violence verbales sur les réseaux sociaux.

Un goût de «déjà-vu»

Répression d’une communauté religieuse par le Parti communiste chinois, sursaut de conscience de la communauté internationale, Jeux Olympiques à Pékin l’année prochaine… pour Tenam, un dissident tibétain, la situation actuelle a un goût de « déjà-vu ». En 2008, la communauté internationale se réveille et condamne les violences au Tibet. Mais les Jeux Olympiques de Pékin sont maintenus et aucun pays ne les boycotte. Treize ans plus tard, la politique répressive à l’égard de nombreuses minorités s’est accrue, mais les Jeux de 2022 ont lieu à Pékin. Des actions sont prévues cette année par diverses associations pour réclamer le boycott de ces JO d’hiver. «Si les crimes contre l’humanité ne sont pas notre ligne rouge, à quelles valeurs sommes-nous attachés ?» dénonce-t-il.

L’ONG australienne ETAC a apporté devant le Haut Commissariat des Nations unies un rapport attestant d’un trafic d’organes des «prisonniers de conscience». L’ONU attend depuis le 14 juin des réponses du gouvernement chinois.

La co-présidente de l’association Étudiants pour un Tibet Libre, Yangkey Muccini, rappelle que plusieurs minorités religieuses, et pas seulement les Ouïghours, sont toujours ciblées par le régime chinois. Au Tibet, 170 personnes se sont immolées à ce jour afin de dénoncer l’oppression du régime. Elle raconte qu’un jeune moine de 19 ans est décédé en janvier sous les coups de la police chinoise après avoir été arrêté à deux reprises. La première fois pour avoir distribué des tracts demandant la libération du Tibet, la seconde pour avoir raconté son arrestation à sa famille.

Tout le monde désigne un homme comme le responsable de cette politique : Chen Quanguo. Promu secrétaire du parti au Xinjiang en 2016, c’est déjà lui qui avait organisé la répression au Tibet. «Le Tibet était le laboratoire de Chen Quanguo» analyse Tenam, il aurait ensuite affiné ses méthodes dans le Xinjiang grâce aux nouvelles technologies.

Source: Le Figaro (https://www.lefigaro.fr/international/ouighours-des-associations-organisent-une-manifestation-a-paris-une-reconnaissance-du-genocide-20210701)